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Estelle

Envoyé par Oncle-Julien 
Estelle
Friday 18 November 2022 11:46

Oncle-Julien
Homme, 53 ans, France
Classe - Épisode 41 - Tous droits réservés - © - 2022 -



Quand les couleurs de l'ange s'assombrissent

Ce mardi, en fin d’après-midi, je suis à préparer mon cours. Il me reste une demi-heure avant l’arrivée de mes élèves. Nous sommes au début du mois de mars. Les journées s’allongent. C’est à présent bien perceptible. Peut-être même qu'une certaine douceur s'installe parfois. Je suis concentré lorsque trois coups sont frappés contre la porte. Sans lever les yeux de mes notes je lance : << Entrez ! >>. Je sais bien qui va faire son apparition d'ici quelques secondes. Estelle. Depuis tout ce temps ma jeune étudiante m’a habitué à ses visites d’avant cours. Je ne suis donc pas surpris de la voir. Vêtue ce soir d'un pantalon d'équitation extrêmement moulant, de hautes bottes noires. Un sweat sous une veste noire cintrée à la taille. Ses longs cheveux flottant sur ses épaules au rythme de sa démarche volontaire, décidée.

Nous ne nous sommes pas vus durant deux semaines. Les deux semaines des vacances scolaires de carnaval. Curieusement, Estelle n’est pas fougueuse. La jeune fille m’a pourtant habitué à des attitudes bien plus passionnées, plus révélatrices de ses sentiments exacerbés. Même étrangement, elle reste calme. Elle s’assoit devant le bureau. Elle reste longuement silencieuse, jouant avec ses mains. Ce soir, son regard est fuyant. Je suis un peu déstabilisé par cette attitude nouvelle. Un comportement que je lui connais pas. Le moment est étrange.

Je respecte ce silence. Tout de même un peu décontenancé, je continue mon travail. De longues minutes indéfinissables s’écoulent ainsi. << J’ai fait une rencontre pendant mes vacances ! >> finit elle par dire à voix basse. En martelant chacune de ses syllabes comme à son habitude. Je ne réponds pas. Je reste d'apparence impassible. Une apparence qui ne trompe sans doute pas. Dans ma poitrine, mon cœur marque comme un coup d’arrêt. Une boule se forme presque immédiatement dans ma gorge. En un instant je viens de basculer de l’insouciance au tourment. Chute de tension. Je viens de sentir la lame pénétrer de son tranchant cruel jusqu'au plus profond de mon être.

Nous restons silencieux. Je lève les yeux. Estelle me regarde avec embarras. Dans un effort visible elle tente de soutenir mon regard. Pour elle aussi c'est une épreuve inconnue d'enfoncer un poignard chauffé au rouge dans un cœur saignant. Je ne sais quoi dire, quoi répondre. Aussi, c’est la jeune fille qui continue : << C’est un garçon, il a 25 ans. Il a monté sa boîte à Nantes ! Je crois que je l’aime déjà ! >>. Je dois avoir les yeux humides. Aucun masque ne pourrait dissimuler le profond dépit qui vient de creuser mes traits de quadragénaire. Quatre décennies viennent de me tomber dessus. De tous leurs poids. Avec une violence inouïe. Je suis sous les décombres d'une tristesse infinie.

Enfin ma langue se délie. Je dois avaler ma salive. Avaler un sanglot afin qu'il reste invisible. Je m’entends répondre : << C’est dans la logique des choses. Cela devait arriver. N’est-il pas préférable que cela soit ainsi ? >>. Estelle s’empresse de me rassurer dans une tentative d'apaisement en précisant : << Je retrouve beaucoup de vous dans ce garçon. Il y a eu comme un "glissement" de vous à lui. Sans heurt comme si c’était un acte "organique" ! >>. J'écoute. Dans le regard de mon interlocutrice je vois de la compassion, de la compréhension. Je devine que son embarras est un fardeau aussi lourd que celui qui m'accable depuis la "révélation". Ses yeux sont humides. Je sens l'effort.

Les explications de la jeune fille restent inscrites dans cette profonde acuité qui la caractérise. Cette perception presque impudique des choses qui l'entourent. Combien de fois ne m'en a t-elle pas confier les effets sur sa psyché. Ce combat perpétuel qu'elle doit livrer pour s'adapter au monde réel. Adolescente grandie trop vite. Estelle a toujours eu une conscience aigüe du monde dans lequel elle évolue. Elle m’a toujours étonné par ses capacités à se situer. Que ce soit dans un environnement induit par de totales improvisations ou par des impondérables. Les mots qu’elle vient de prononcer ont un soudain effet thérapeutique. Je reviens à la réalité. Mon naturel optimiste remporte la victoire. Je connais bien tout cela. Ce n'est pas la première "blessure" sur le champs de bataille de l'existence. J'ai une armure.

Toutes mes fonctions vitales reprennent leurs activités normales. Au fond de moi résonnent déjà les rires. Mon esprit analyse à nouveau à grande vitesse. Je suis comme soulagé. << Dimanche, j’ai un concours hippique. Je souhaite vous y voir. Vous pourrez rencontrer Jonathan. J’aimerais lui présenter mon professeur de musique. Vous avez tant compté pour moi ! >> lance t-elle. Devant mon silence, elle s'écrie : << S’il vous plaît ! >>. Je réponds immédiatement : << Je serais là, promis ! >>. Je m'empresse de rajouter : << Il faut disparaître. Le cours commence dans cinq minutes ! >>. Estelle se lève d'un bond pour filer vers la porte. Elle se retourne pour lancer : << Merci pour tout ! >>.

Pour la première fois depuis longtemps, le cours se déroule normalement. Lorsque les élèves quittent la salle, je vais au pupitre désert de ma jeune étudiante. Pour la première fois depuis longtemps il n’y a aucun billet plié. Mon cœur se serre jusqu’à la douleur. Quelle terrible sensation de solitude que de se retrouver soudain "orphelin". Encore une gifle de la vie en pleine gueule. Je monte à l’étage. J’entre dans les toilettes. J’observe ce lieu. Tout ce que j’y ai vécu me monte à l’esprit. Une épée chauffée au rouge s’enfonce dans mon cœur. Une larme s’écoule sur ma joue. Je me regarde dans le miroir au-dessus du lavabo. Je me redresse en murmurant : << Terminator ! Vite ! >>.

Je redescends à toute vitesse. Je ne suis pas homme à me laisser abattre. Quelle surprise. Là, assise sur les marches de l'escalier qui mène au ré de chaussée, Solène. Elle tourne la tête pour m'adresser un second << Bonsoir monsieur ! >>. Elle a l'air tristounette. Je demande : << Tout va bien ? On vient vous chercher ? >>. Solène se lève, prend son cartable et marche avec moi jusqu'à la porte. << J'aimerais vous parler un de ces jours ! >> dit elle. Une voiture entre dans la cour de l'école. Elle se précipite en rajoutant : << À jeudi prochain ! >>.



Classe
Estelle
Friday 25 November 2022 11:45

Oncle-Julien
Homme, 53 ans, France
Classe - Épisode 42 - Tous droits réservés - 2022 -



De surprises en surprises

Le cours de jeudi se déroule lui aussi d’une façon anormalement "normale". Estelle n’est pas venue avant l’heure. Elle n'a pas un seul regard. À la fin de l'heure la jeune fille s’en va avec les autres élèves. Un peu comme si tout ce que nous avons vécu, tout ce que nous avons partagé n'avait jamais existé. Ma tristesse me submerge une fois encore. Jusqu’aux larmes. Chez moi, vers 20 heures, je reçois un texto. "Dimanche 14 heures, centre hippique. Venez, je vous en supplie". Je reste pantois. Médusé. Je confirme évidemment ma présence.

Je suis absorbé dans quelques rangements de documents lorsque la musique imbécile de mon téléphone se met à vibrer. Je décroche. << Bonsoir, c'est Solène. Je n'ai pas eu l'occasion de vous parler après le cours. Je peux venir ? >>. Je reste abasourdi. Je n'ai pas le temps de méditer longtemps. Trois coups de sonnette. Sur l'écran de l'interphone, la silhouette de Solène sur son scooter. J'ouvre. Elle descend en roulant doucement. Je l'accueille au bas de l'escalier. Elle met son engin sur béquilles. << Moi aussi je veux "apprendre" ! >> dit elle le plus sérieusement du monde. Alors que j'éclate de rire. Je dis : << Apprendre quoi ? >>. Elle répond : << Estelle m'a souvent raconté ! >>.

Décidément. Je vais de surprises en surprises. Moi qui croyait que la relation avec Estelle était un secret entre nous, je découvre qu'il n'en était rien. Pourtant, je reste vigilant. Les filles sont de rusées stratèges dans le domaine des relations. Je teste un peu le "savoir" de Solène pour très vite me rendre compte de ses affabulations. Ses affirmations sont basées sur des intuitions féminines. Je ne tarde pas à déjouer son "plan". J'hésite longuement. Je ne l'invite pas à entrer. Je n'ai pas une bite à la place du cerveau dans ces situations. Je me contente de répondre à tout cela d'une manière péremptoire et autoritaire : << Réfléchissez bien Solène. Prendre des "cours" avec moi demande réflexions ! >>. Elle me regarde. Elle me fait un beau sourire. Je conclue : << Rentrez vite chez vous. Soyez prudente. À mardi soir ! >>.

Dimanche je me réveille tôt après une série de rêves pénibles. La matinée est longue et mon impatience grandit de minutes en minutes. Je n'arrive pas à me concentrer vraiment sur mes tâches habituelles de ce jour de repos. Faire la cuisine est une passion. Sauf aujourd'hui où je vais à la simplicité la plus prosaïque. Des nouilles, du gruyère. Je suis à l’heure. Je marche dans les allées qui mènent aux gradins lorsque la voix de ma jeune étudiante me fait me retourner. << Monsieur ! Bonjour. Comme je suis contente que vous soyez venu ! >>. Estelle est suivie de ses parents et d'un jeune homme de haute taille, plutôt athlétique et souriant. Je salue les parents de la jeune fille et le garçon.

<< Je vous présente Jonathan ! >> me dit Estelle. Je serre la main de ce gaillard qui est encore plus grand que moi. Il dépasse allégrement le mètre quatre vingt dix. Sa poigne vigoureuse est celle d’un homme honnête, d’un sportif. Nul doute que la situation de la jeune fille et de Jonathan doit être "officialisée" depuis peu. Estelle prend la main de Jonathan et me fait un sourire apaisé. Curieusement je le suis aussi. Toute tristesse vient de me quitter. Quel soulagement de vivre soudain sans oppression. Avec les parents d'Estelle nous bavardons un peu.

J’assiste à l’épreuve et à la prestation d’Estelle. Je suis assis à la droite de Jonathan. Les parents de la jeune cavalière à ma gauche. Jonathan se penche vers moi pour glisser à mon oreille : << Merci pour tout. Estelle m’a tout raconté ! >>. Je reste totalement interloqué. Consterné. Tout au fond de moi un malaise. J'aurais aimé que cette merveilleuse histoire reste secrète, enfuie dans le cœur d'Estelle. Malgré mon étonnement, je m’entends répondre : << Je crois qu’elle est entre de bonnes mains ! >>. Je trouve subitement mon propos ridicule. Il me montre ses poignes en riant. Pourtant le jeune homme me fait encore : << Elle vous en sera toujours reconnaissante. Moi aussi ! >>.

Qu'un jeune homme de 24 ans puisse avoir une telle lucidité me laisse perplexe. À l'entendre s'exprimer, je comprends que ce garçon est très intelligent. Il affiche lui aussi cette allure "aristocratique" naturelle des "gagnants". Un être plein de finesse d'esprit sans doute. A la fin du concours, je suis invité à la remise des prix et au pot de l’amitié. Estelle a remporté haut la main la première nomination dans la catégorie où elle excelle. Le saut d’obstacle. Je la félicite. Parmi les nombreuses personnes présentes, durant un bref instant et discrètement elle a l’opportunité de me glisser à l’oreille : << Je t’aime encore, je dois en guérir ! >>. Je lui fais un sourire rassurant. Je la devine. Elle tempère avec peine le désir de se précipiter dans mes bras. Je chuchote juste à temps : << Moi aussi ! Je suis en pleine convalescence de toi ! >>.

Le soir, dans le calme et la "rédemption", je suis à faire un peu de repassage. Soudain un coup de sonnette. Je me précipite dans le hall d'entrée. Sur l'écran de l'interphone quelle n'est pas ma surprise. Estelle, là, debout devant le portail. Tenant sa bicyclette. J'ouvre. Elle descend le chemin en courant à côté du vélo qu'elle jette sur le gazon. Il fait plutôt frais en ce début de mois d'avril. Une fraîcheur où se mêlent pourtant déjà les suaves effluves du printemps à venir. Elle tombe dans mes bras en sanglots. << C’est trop dur ! C’est si dur de vivre ! >> s'écrie t-elle en larmes. Je la serre fort. Je la berce longuement pour la calmer. Nous restons ainsi très longtemps dans la nuit.

Estelle est victime de cette dernière pulsion. Cette pulsion qu'ont les êtres capables de reconnaissance. Elle est venue témoigner de la sienne. Je suis touché. Je ne partage pas tout à fait son sentiment. J'ai déjà tourné la page. J'ai cette faculté extraordinaire de vivre les ruptures de façon "chirurgicale". << Je m’en vais. C’était si bien avec toi ! Tu m’as tout appris. J’ai l’impression d’avoir vécu un rêve. Il faut que je me fasse violence. Ce sera difficile mais il y a la patience de Jonathan ! >> lance t-elle en tentant de se détacher de moi. Je l’écarte lentement en la tenant par les épaules. << Il faut y aller Estelle, maintenant. Ne te retourne pas sur le passé. Tu ne peux rien faire avec. File ! >>. La jeune fille à le merveilleux sourire de l'adieu. Elle se détourne, ramasse sa bicyclette pour s’enfuir sans se retourner.

Je la regarde depuis le haut de l'escalier du perron. Estelle arrive au portail. Elle s'arrête. Se retourne pour m'adresser un signe de la main. Je fais pareil. Je rentre au chaud. Je m'affale dans le fauteuil du salon. Moi aussi je dois me faire violence. Je ne suis pas nostalgique du passé. Tout comme le présent il est inutilisable. Seul l'avenir m'intéresse. Je suis serein. J’aime cette fille. Je sais les différents rôles que j’ai interprété avec et pour elle. Curieusement je n’éprouve aucune tristesse. Mon sentiment reste intact. Je referme définitivement ce livre. Il va rejoindre mes autres aventures sur le rayon des souvenirs.



Classe
Re: Estelle
Saturday 26 November 2022 17:33

verchu01
Homme, 60 ans, France, Hauts-de-France
Magnifique histoire Julien.
Meme si la fin etait previsible, on eut préféré qu'elle finisse mieux.
Michel
Estelle - Suite et fin
Monday 28 November 2022 13:51

Oncle-Julien
Homme, 53 ans, France
Classe - Épisode 43 - Tous droits réservés - © - 2022



Épilogue

Durant les semaines qui nous séparent des vacances de Pâques, les cours se déroulent avec une normalité que j’avais oublié. Estelle arrive à l’heure, bavardant souvent avec d’autres élèves. Rien ne peut laisser imaginer à qui que ce soit qu’entre la jeune fille et moi il y eut une des plus merveilleuses histoires. Elle quitte le cours avec les autres, en me saluant de la même façon. Capacité toute féminine de passer à autre chose de la manière la plus insouciante. Je reste toujours admiratif devant cette particularité qui ne concerne pas seulement les sentiments.

C’est après le dernier cours, avant les vacances, qu'Estelle laisse un billet plié à mon attention sur son pupitre. Je vérifie toujours afin de récupérer les oublis. Le plus souvent des stylos. Je déplie ce papier avec d’infinies précautions. Je lis cette phrase d’innombrables fois. D'une belle écriture il est écrit : "Je suis chez vous samedi à 14 h". Je serre ce petit billet contre mon cœur. Un bonheur sans nom me submerge. Je me surprends à sauter, à chantonner en quittant la salle de cours. De petites surprises peuvent changer nos existences. En bien, en mal.

Le samedi arrive enfin. Je suis sur mes gardes, envahi d’une impatience folle. Les trois coups de sonnette retentissent. Je me précipite dans le hall d'entrée. Là, sur l'écran de l'interphone, Estelle debout devant le portail, tenant sa bicyclette. Mon cœur bat la chamade. Je prends conscience d'être encore "convalescent", pas complètement guéri. J'appuie le bouton pour ouvrir. Je sors sur le perron. Estelle descend à toute vitesse sur son vélo. Elle le pose contre la rambarde. Elle monte les marches calmement. Nous nous faisons la bise. Nous jouons ces personnages de "l'après". Faussement dépourvus de l'envie de nous serrer fort. Je l’invite à venir au salon. Je lui propose thé, café et petit gâteaux. Comme jadis. Elle se laisse tomber au fond du canapé en soupirant. << C’est génial de savoir que tu existes ! >> me fait elle.

En martelant les syllabes de ses mots, avec cette voix posée habituelle, Estelle se met à parler : << Jonathan est ingénieur informaticien. Il a monté sa boîte cet hiver et ça fonctionne déjà très fort. Je vais le rejoindre à Nantes et m’installer avec lui. Je continue mes études là-bas. Les parents de Jonathan ont fait connaissance des miens. Le courant passe très fort. En cas de pépins, ses parents prennent le relai ! >>. J’écoute tout cela avec ravissement. Que peut-il arriver de mieux à cette délicieuse jeune fille. Jeune fille de "bonne famille" ! À ces révélations mes dernières craintes s'envolent. Sa venue me laissait interrogateur et plein d'appréhensions. C'est donc un soulagement.

Je la félicite pour son esprit d’initiative, son courage et pour la nouvelle vie qui l’attend d’ici six mois. << C’est toi qui m’a "grandi". Sans notre aventure, jamais je n’aurais pu m’éveiller à tel point ! >> s'écrie t-elle en posant sa main sur mon bras. Estelle me fait un merveilleux sourire. En adulte responsable je tempère quelque peu son enthousiasme. Je lui rappelle que c’est d’abord ses capacités intellectuelles et ses ouvertures à la réflexion qui sont les déterminants de ce qui arrive. Je précise : << Estelle, après tout, je n'ai été qu’une sorte de catalyseur. Rien de plus. Les choses seraient arrivées d'une autre façon mais elles seraient arrivées ! Sois-en certaine ! >>. Elle écoute en silence.

<< On se fait un dernier après-midi de folie ? >> me demande t-elle soudain après un long silence. Sans me laisser répondre elle se lève pour se mettre à sautiller devant moi en applaudissant. Elle retombe dans le canapé en cachant son rire derrière sa main. Je m'installe plus près d’elle, un peu paternel, pour lui signifier : << Ce ne serait pas bien, ni pour toi, ni pour moi ! Il ne faut pas ouvrir des chairs qui sont entrain de cicatriser ! Ce serait détruire nos "reconstructions" ! >>. La jeune fille reste dubitative, presque étonnée. Je prends conscience une fois encore que c'est une jeune fille d'à peine vingt ans qui ouvre de grands yeux pour me fixer comme si j'étais soudain un inconnu.

Je ponctue mon affirmation en déposant un délicat bisou sur son front. << Ta sagesse est plus grande que la mienne ! >> fait elle en me prenant la main. je dis : << Tu sais Estelle, un jour tu me remercieras pour ne pas avoir accédé à cette dernière requête ! >>. Je caresse sa main à mon tour. Nous restons silencieux à nous observer en coin. Plusieurs éclats de rire soulignent notre complicité revenue. Elle frotte le petit gâteau qu'elle prend dans la coupelle pour le passer sur mes lèvres. J'en mord un bout. Elle met en bouche l'autre partie. << C'est génial ! >> s'écrie t-elle. Elle s'assoit sur mes cuisses, ses bras autour de mon cou. Elle rajoute : << Tu seras toujours là pour moi ? >>

Je réponds : << Tout comme toi, je vais vers la prochaine aventure ! >>. Estelle, d'abord tristounette, puis comme soulagée, me fait plein de bises. Rassurée et heureuse elle se lève pour de bon. Je la raccompagne jusqu'à sa bicyclette. Il est 16 h30. Je la regarde partir depuis le portail. En montant la légère pente en direction du bourg, elle s’arrête en haut. Elle se retourne. Elle reste ainsi un petit moment à me regarder. Nous observons tous deux ce qui va être notre dernière image d'ici quelques instants. C’est la dernière fois que je vois la jeune fille. Quelques courriels qui se diluent et s’espacent dans le temps pour disparaître définitivement au début juillet.

Cette merveilleuse histoire est encore en moi. Elle le restera probablement jusqu’à mon dernier souffle. Quand j'en parle à Clémentine elle est toute attendrie pour murmurer : << Tu es un sentimental un peu romantique ! Il faut que je te "soigne" ! >>. Nous en rions de bon cœur. Une légère nostalgie vient alors parfois m’envahir de quelques étranges frissons pendant la fellation. C’est Solène qui m’a appris qu'Estelle s’est installée avec Jonathan dans un grand appartement à Nantes. Au début du mois de septembre 2016...

Merci Estelle. Du fond de mon cœur. Et bonne chance...



NOTE
Je remercie ici mes fidèles lectrices et mes fidèles lecteurs. Je remercie également celles et ceux qui m'adressaient des messages privés durant toute la durée de l'histoire pour me demander quantité de détails. Je réponds toujours. Et cela a permis de belles correspondances, de beaux échanges.

Nous retrouvons bientôt Christelle. Une autre héroïne. Une autre rencontre...

Julien

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